Les peuples autochtones en Guyane
I- Le statut de peuple Autochtone
Selon l’ONU il existerait 500 peuples autochtones à travers le monde ce qui représente 370 millions d’individus dans 70 pays répartis sur 6 continents. Dans ces 5% de la population mondiale on retrouve des cultures riches et diversifiées avec pas moins de 5000 langues parlées c’est à dire 75% des langues connues dans le monde selon l’UNESCO. Les populations autochtones selon cette définition de l’ONU :
« celles qui, liées par une continuité historique avec les sociétés antérieures à l’invasion. et avec les sociétés précoloniales qui se sont développées sur leurs territoires, se jugent distinctes des autres éléments des sociétés qui dominent à présent sur leurs territoires ou parties de ces territoires et elles sont déterminées à conserver, développer et transmettre aux générations futures leurs territoires ancestraux et leur identité ethnique qui constituent la base de la continuité de leur existence en tant que peuple, conformément à leurs propres modèles culturels, à leurs institutions sociales et à leurs systèmes juridiques ».
Ainsi, une société autochtones se caractérise principalement par l’expression d’un mode de vie unique qui repose sur l’organisation sociale et culturelle d’un groupe. Et, la reproduction de ces modes de vie est essentielle au maintien d’une diversité sociale et environnementale. Les peuples autochtones s’organisent en effet autour d’un ensemble de pratiques traditionnelles favorisant la production de connaissances sur leur culture et sur l’écosystème qui caractérise leur habitat. Ces connaissances à la fois culturelles, sociales, économiques et écologiques, sur le milieu, visent à maintenir un état d’équilibre essentiel à la pérennité du groupe. Pour poursuivre leur mode de vie, les peuples autochtones dépendent ainsi de la reconnaissance juridique de l’État. Ce statut juridique particulier leur permet de se défendre contre les exploitants forestiers ou encore contre l’accaparement des terres. Des enjeux culturels, sociaux et écologiques que PachaGaïa a décidé de vous partager dans ce document car malheureusement encore aujourd’hui, ces peuples sont victimes de discriminations et d’une marginalisation dans beaucoup de pays et représentent 15% des populations les plus pauvres dans le monde.
I-1) L’histoire du statut de peuple autochtone
Tout commence en 1923, lorsqu’un chef Iroquoi se rend à l’ONU pour faire reconnaître son peuple comme nation souveraine. C’est seulement 54 ans plus tard qu’une centaine d’autochtones d’Amérique du Nord, Centrale et du Sud entrent dans l’enceinte de l’ONU pour une conférence internationale sur la discrimination des peuples autochtones.
Durant cette conférence, 4 principes sont posés et sont toujours d’actualité :
- La question de la survie de ces peuples en tant que nation à part entière
- La question de l’existence d’une instance juridique internationale propre aux peuples autochtones
- La question de la restitution des territoires dont ils ont été spoliés tout au long de l’histoire et de la colonisation
- La question de la protection de l’environnement et de l’intégrité culturelle des peuples
Dans les années 80 s’opèrent de nombreux changements pour reconnaître la légitimité des peuples autochtones mais c’est en 1993 que le projet de Déclaration des Nations Unis sur les droits des peuples autochtones est adopté.
Dans cette déclaration on retrouve 3 piliers fondamentaux :
- Reconnaître les droits fonciers autochtones
- Reconnaître les règles familiales et coutumières
- Reconnaître les pouvoirs exclusifs aux communautés dans la gestion de la biodiversité; protéger la propriété intellectuelle autochtone c’est-à -dire leur culture.
I-2) le statut juridique de peuple autochtone
Le statut juridique s’obtient grâce à des instruments juridiques comme par exemple la convention 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux de 1989 qui donne un ensemble d’éléments :
Ou encore la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones (UNDRIP) adoptée en septembre 2007 par l’Assemblée Générale.
Cette déclaration permet ainsi aux peuples autochtones d’avoir le droit à l’autodétermination. C’est-à -dire pouvoir déterminer librement leur statut politique, économique, social et culturel. De plus, c’est grâce à cette déclaration que les peuples autochtones ne peuvent plus être expulsés de leur terre. Néanmoins, cette déclaration ne s’accompagne pas d’effets contraignants dans le cadre du non- respect des peuples indigènes par un État.
Une pauvre présence, au niveau international, sur la sauvegarde des droits des peuples autochtones, à travers des moyens juridiques contraignants, peut être constatée. « Mais plutôt que de prendre des décisions radicales, ils continuent à discuter durant toutes ces COP 21,22,23,24 pour savoir ce qu’il faut faire, sans finalement faire quoi que ce soit… » : Mundiya Kepanga – chef Papu, membre de la tribu des Hulis.
La Déclaration élaborée lors du Sommet Mondial pour le développement durable, par les peuples autochtones, dénonce la mondialisation économique et la suprématie des firmes internationales (Déclaration du Kimberley du 9-10 novembre 2001).
Ce qui a été fait au niveau international pour les peuples autochtones :
Depuis le 16 novembre 2012, un arrêté interministériel fixe les conditions de gestion durable de la forêt sacrée au Bénin
Depuis le 15 mars 2017, la Nouvelle-Zélande a accordé le statut de personnalité juridique au fleuve Wanganui, réclamé par les générations successives des Maoris depuis 1870. Le fleuve est reconnu comme une entité vivante, dont les droits et les intérêts peuvent être défendus devant la justice
Tiina Sanila-Aikio est depuis 2015 présidente du Parlement sami (peuples autochtones qui vivent aussi en Suède, en Norvège et en Russie) de Finlande (unique parlement autochtones d’Europe dans les forums internationaux)
Michelle Bachelet – présidente du Chili à deux reprises : de 2006 à 2010, et de 2014 à 2018. Depuis le 1er septembre 2018, elle a été nommée haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. Son gouvernement a mené une opération avec les services secrets en vue d’arrêter des leaders politiques traditionnels (loncos) et des leaders spirituels sacrés (machis)
Alexander Hairudin – membre de l’ONG Ondigenous People Alliance of Archipelago (Aman) qui regroupe plus de mille ethnies dans toute l’Indonésie : « nous faisons pression sur l’État pour mettre un terme à la déforestation. Parfois, cela marche, lorsque nous mettons en lumière l’activité dévastatrice d’entreprises dans les médias par exemple
La création en 2000 au sein même de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, d’un Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relatif aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore. Le régime existant de propriété intellectuelle ne peut s’appliquer à ces savoirs, car ces derniers ne répondent pas aux critères établis par l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuels adopté lors des négociations du GATT en 1993
La Convention sur le patrimoine mondial adoptée en 1972, envisage également la protection du patrimoine des peuples autochtones par le biais des paysages culturels, à travers la notion « patrimoine mixte » (article 1), à la fois naturel et culturel. Cependant plusieurs conditions s’avèrent indispensables pour que le mécanisme de protection puisse être appliqué avec efficacité. D’une part, le processus de demande de classement d’un site lié à une population autochtone, mériterait la consultation et l’implication de ce peuple dans le processus. D’autre part, ce patrimoine autochtone que l’on entend protéger doit être reconnu de valeur universelle par le Comité de la Convention. Ce dernier élément paraît le plus difficile à prouver. Ainsi, deux sites « autochtones » sont protégés par la Convention. Il s’agit du parc national Tongariro en Nouvelle-Zélande, classé en raison de l’attachement sacré du peuple Maori aux montagnes. Le second se situe en Australie , parc national Kata Tjuta (plus connu sous le nom de Ayers Rock), qui constitue un site sacré du peuple Anangu)
Résolution du Conseil Développement du 30 novembre 1998 relative aux populations autochtones dans le cadre de la coopération au développement de la Communauté des Etats membres (13461/98)
Article 3.3 du Règlement (CE) n°2493/2000 du Parlement européen et du Conseil du 7 novembre 2000, relatif à des mesures visant à promouvoir la pleine intégration de la dimension environnementale dans le processus de développement des pays en développement.
1-3) Ce qui existe en France :
La France périphérique (entendue comme englobant les départements et collectivités d’Outre-Mer, nouvelle dénomination instaurée par la réforme constitutionnelle du 17 mars 2003, article 72 de la Constitution), reconnaît l’existence des peuples autochtones sans pour autant reconnaître formellement leurs existence juridique (à l’exception de la Nouvelle-Calédonie où le préambule de l’Accord de Nouméa de 1998, admet l’existence d’un « peuple Kana »). L’obstacle constitutionnel de l’Etat unitaire et son corollaire, le principe d’égalité, empêche a priori toute existence juridique de communauté autochtones (décision du 9 mai 1991 du Conseil Constitutionnel à propos de la Corse : « l’unicité du peuple français empêche toute reconnaissance de minorités sur le territoire national »).
Néanmoins, le droit positif français applicable dans les DOM-TOM reconnaît des droits différents, comme dans le cas de la Guyane, où différents textes ont admis « les droits d’usage et droits traditionnels de propriété au profit des communautés d’habitants tirant traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt » (décret n°87-287 du 14 août 1987, loi du 30 décembre 1989, décret n°92-246 du 16 janvier 1992) ;
La France a également transposé l’article 8 (j) de la Convention sur la diversité biologique, dans son article 33 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’Outre-Mer (JO, 14 décembre 2000), qui prévoit que « l’Etat et les collectivités locales encouragent le respect, la protection et le maintien des connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales fondés sur leurs modes de vie traditionnels et qui contribuent à la conservation du milieu naturel et l’usage durable de la diversité biologique » . Reste à préciser dans les années à venir les modalités de sa concrétisation
La déclaration sur la diversité culturelle adoptée par le Conseil de l’Europe, le 7 décembre 2000 ; Déclaration du Cotonou sur la diversité culturelle adoptée par les ministres de la culture de l’Organisation internationale de la Francophonie, du 15 juin 2001.
Les textes contraignants et exhaustifs sont peu nombreux comparés aux multiples textes de soft law. Face à l’inaction de nos gouvernements (la seule convention qui leur est expressément consacrée (convention ILO n°169), pourquoi pas ne pas indirectement essayer de préserver des droits des peuples autochtones à travers des différents techniques :
- En 2000, l’ingénieur français Rémy Lucas a mis au point un procédé pour fabriquer du plastique sans pétrole et biodégradable à partir d’algues brunes(algues invasives). Sa société Algopack a été rachetée en 2015 par une multinationale française, lyreco, pour passer à une phase d’industrialisation ;
- Depuis 2015 de plus en plus d’ONG ou de simples citoyens décident d’engager des poursuites judiciaires contre leur État pour inaction face au changement climatique et non-respect de leurs obligations nationales et internationales pour préserver l’environnement. Lancée pour la première fois aux Pays-Bas en 2015, la démarche a été suivie par les jeunes en Colombie et aux États-Unis, un paysan au Pakistan, des associations en Belgique ou encore au Canada, aboutissant parfois à des condamnations de l’État. En 2017, le Programme des Nations unies pour l’environnement a relevé huit cent quatre-vingt-quatorze recours en justice portés par des citoyens ou des associations dans le monde à l’encontre des États et des industriels. Et pour la première fois en France, quatre ONG ont elles aussi pris cette initiative en débutant leur compagne le 18 décembre 2018, intitulée « L’Affaire du siècle », représentée par Greenpeace France, Notre affaire à tous, Oxfam France et la Fondation pour la nature et l’homme » ;
- Le droit de l’homme à l’environnement constitue un droit de la 3ème génération, englobé par les droits du solidarité. Déclaration universelle des droits des peuples, proclamée à Alger, le 4 juillet 1976. Son article 16 indique que « tout peuple a droit à la conservation et à l’amélioration de son environnement ». Charte africaine sur les droits de l’homme et des peuples, proclame dans son article 24 que « Tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement » ;
- Aux plans international et national, tous les textes évoquent les questions de démocratie participative au niveau local, comme nouveau souffle aux politiques d’environnement ;
- Faciliter l’accès à la justice.
La justiciabilité du droit de l’homme à l’environnement peut être réalisée à trois niveaux : national, régional, international. Une protection par ricochet de leur droit, au plan international.
Au plan international, le droit de l’homme à l’environnement est proclamé par des textes non contraignants, mais dont le rayonnement est indéniable. Au plan régional, ce doit ne figure pas au plan européen dans la Convention Européen de sauvegarde des droits de l’homme. Deux opinions s’offrent aux peuples autochtones pour faire respecter leur droit : soit directement, en attestant de la violation de ce droit contenu dans un texte (au plan international, cela est impossible), soit indirectement, par le mécanisme d’une protection par ricochet.
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme constitue le meilleur exemple de l’évolution de ce mécanisme. La convention européenne ne contenant aucune garantie directe du droit de l’homme à l’environnement, nombreux ont été les cas où la Cour en a assuré le respect de ce référant à d’autres droits garantis par la Convention (droit au respect du domicile, à la vie privée, à l’information…).
L’arrêt Lopez Ostra permet au droit de l’homme de l’environnement « d’entrer par la fenêtre » grâce à une protection par ricochet (Arrêt Lopez-Ostra c/Espagne, 9 décembre 1994, A, n° 303-C). Cette approche de protection par ricochet paraît attrayante s’agissant des peuples autochtones, notamment au regard de la « jurisprudence » du Comité des droits de l’Homme, chargé de faire respecter le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté en 1966 (Les décisions du Comité n’ont cependant aucun caractère contraignant pour l’Etat). Aucun Pacte jumeaux n’envisage un droit de l’homme à l’environnement (ce qui est compréhensible par rapport à leur date d’élaboration). Tout comme la Convention Européenne des Droits de l’Homme, qui garantit le droit à la vie et autres droits relatifs aux conditions d’existence. L’article 27 du Pacte garantit le respect des différences culturelles des minorités : « dans les Etats, où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes apparentes à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professeur et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue ». Même si ce texte semble s’appliquer exclusivement aux minorités, le Comité, en considérant les peuples autochtones comme minorités, en a étendu le champ (cependant, il ne s’agit pas ici d’entrer dans le débat sur la différence entre minorités et peuples autochtones). L’intérêt ici est de se demander si en assurant le respect de cet article, le droit de l’homme à l’environnement ne pourrait pas lui aussi obtenir une protection (plusieurs affaires relatives aux communautés nordiques (Canada et Laponie) ont conduit le raisonnement du Comité. Ainsi, dans les affaires Kitok c/Suède (com. n°197/1985, décision du 27 juillet 1998) et Lansman c./Finland (com. N°671/1995, décision du 30 octobre 1996), Le Comité a considéré qu’une activité économique traditionnelle (élevage de rennes) était englobée dans l’article 27 du Pacte, si elle constitue un élément significatif de la culture de cette population. Dès lors, on peut imaginer un raisonnement identique pour des populations de nomades, de pêcheurs, d’habitants des forêts, dont l’activité traditionnelle constitue un élément de leur culture.
II- Les enjeux
II-1) L’identité autochtone
La reconnaissance autochtone des Etats ne suffit plus à maintenir et préserver leur identité culturelle. Pourtant il est nécessaire de préserver ce patrimoine culturel riche de sagesse et d’enseignement sur notre condition humaine et sur la relation que nous entretenons avec le vivant. Ainsi on peut catégoriser trois aspects de l’identité autochtone à préserver :
- La langue autochtone, malgré l’officialité de certaines langues autochtones, ce n’est pas toujours suffisante pour en faire une langue affirmée dans un monde globalisé et complexe.
- L’économie, la pauvreté est un fléau qui pèse sur les peuples autochtones. C’est pourquoi des efforts ont été déployés dans quelques pays, dans le cadre des Objectifs de Développement Durable ou ODD9. Ainsi, en Afrique les peuples autochtones recouvrent un accès aux marchandises vendus dans les villes à proximité. Ce n’est malheureusement pas le cas pour tous les peuples autochtones.
- Le mode vie, l’émigration et les changements climatiques sont de plus en plus visibles dans les régions où vivent les peuples autochtones. Les conséquences de ces phénomènes, sécheresse, inondations, déforestations, poussent les populations à migrer. Ainsi des épisodes de migrations climatiques risquent de s’intensifier dans les années à venir, avec le risque pour ces peuples de se voir déracinés, privés de la mémoire ancestrale de la région qu’ont connu leur ancêtre. Une des solutions serait d’adaptation, nombreux croient en la capacité des femmes autochtones à affirmer les savoirs traditionnels capables de permettre à ces peuples de vivre sur leur terres.
19 témoignages des représentants de différents peuples autochtones démontrent leurs valeurs à la nature permettant son maintien durable.
- utilisation des ressources naturelles que pour les besoins vitaux
- utilisation de la sagesse des médecines traditionnelles
- reconnection à la nature
- respect et l’amour pour l’air, pour l’eau, pour la terre et donc pour l’équilibre du monde
- prise de conscience sur qui nous sommes et sur le fait qu’on fait partie de tout
- communication avec la nature
- reconnaissance de droit de tous
- cultivation des différentes plantes et céréales qui nourrissent également la terre
« Aimer. Ce verbe n’a cessé d’essaimer au fil des récits autochtones comme une réponse universelle : s’aimer, aimer ses racines, sa culture, l’Autre, aimer la nature, la terre, l’eau, l’air, le feu, l’arbre, les plantes, les fruits, les animaux, les étoiles, le soleil, la lune… tout ce qui vie et vibre le cœur et autour de cette source qu’est la Terre. Une invitation si simple et pourtant si difficile à incarner dans une société où le matérialisme et le consumérisme ont revêtu les oripeaux d’un enfant-roi, dont l’égo ne cesse de croître avec l’avidité de son insatisfaction permanente ».
III - LA GUYANE
III-1) INFORMATIONS GÉNÉRALES
Située sur la côté atlantique, la Guyane française fait 83 846 km², ce qui représente la taille du Portugal, et est au nord-est du continent latino-américain. Deux fleuves servent de frontières naturelles : le Maroni à l’ouest pour la frontière avec le Suriname et l’Oyapock au sud pour faire la frontière avec le Brésil.
La Guyane a atteint une population de 319 973 personnes en 2022, un nombre sous evalué du fait d’un grand nombre d’immigrés sans papiers sur le territoire. La population guyanaise se concentre sur le littoral soit moins de 10% du territoire global, ainsi plus de 90% du territoire est recouvert de forêts. Depuis 2009, la Guyane est un département et une région française, administrée par la Collectivité Territoriale de Guyane.
La Guyane dispose d’un patrimoine culturel d’une grande diversité. Des peuples amérindiens, des populations d’origine africaine (créoles et bushinengue), des métropolitains, des ethnies d’origine asiatique ou encore des migrants venus d’Amérique du Sud créent une mosaïque de plus de 25 groupes ethniques différents. La langue officielle est le Français mais il existe plus d’une quarantaine de langues et dialectes, dont une vingtaine sont parlées par des groupes représentant chacun au moins 1% de la population.
En Guyane, à l’origine les autochtones étaient connus sous trois grands groupes : les Caribes, les Arawak et les Tupi-Guarani, ces communautés se sont vues décimées pendant la colonisation, en majorité à cause de maladies apportées par les occidentaux. Aujourd’hui il existe sept peuples survivants ce qui représente environ 10 000 personnes:
- Wayana (Haut-Maroni)
- Kali’na (Littoral)
- Apalai (Haut-Maroni)
- Teko (dans le sud de la Guyane sur le Maroni et l’Oyapock)
- Wayampi (Haut-Oyapock)
- Pahikweneh ou Palikur (Est guyanais)
- Lokono (Littoral et bas-Maroni)
De nombreuses autres communautés vivent sur ce territoire, comme la communauté Bushinengues, qui représente plus de 100 000 personnes, soit 1⁄3 de la population. Ou encore les créoles qui représentent 30% de la population guyanaise et enfin pour les exemples, les Hmong, une communauté originaire de la région du Tibet qui ont atteint l’autonomie alimentaire pour par la suite fournir une majorité de la Guyane en fruits et légumes. Cette communauté agricole est aujourd’hui un véritable pilier de l’agriculture guyanaise pourtant elle ne représente que 1,5% de la population.
III- 2) La France et les peuples autochtones
Depuis 1930, le “principe de respect des modes de vie amérinidiens” est invoqué par la France pour placer les communautés autochtones sous l’autorité du gouverneur de la Guyane. Quelques années plus tard, en 1946 le statut de colonie de la Guyane disparaît au profit du statut de département français. En 1960, les autochtones deviennent tous citoyens français dans le cadre du programme de francisation de l’époque. Les peuples autochtones ont vécu des années 50 aux années 70 une scolarisation obligatoire, a travers la création d’internat catholiques pour les autochtones. Alors à partir des années 1980 un mouvement de revendications s’élève, notamment avec le discours de Félix Tiouku, président de l’association des Amérindiens de Guyane Française. A partir des années 2000, une nouvelle vision des peuples autochtones émerge en France, notamment grâce à la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. La France a adopté cette déclaration des Nations Unies en s’engageant « à respecter ses dispositions sur l’ensemble de son territoire ».
En revanche, la France n’est pas signataire de la Convention 169 de l’OIT, cela s’explique par le principe d’indivisibilité de la République, ainsi elle ne reconnaît pas de droits spécifiques aux peuples autochtones.
IV) La biodiversité en Guyane
La France d’outre-mer est responsable de la protection d’un très important patrimoine écologique, en partie grâce à la Guyane, qui est exceptionnelle au niveau mondial. La biodiversité Guyanaise est estimée à :
- 5 500 espèces végétales
- 684 espèces d’oiseaux
- 177 espèces de mammifères,
- Plus de 500 espèces de poissons
- 109 espèces d’amphibiens.
Dans les zones les plus riches en biodiversité, un arbre sur deux aurait plus de 700 ans et la plupart des arbres appartiennent à des essences différentes. Chaque arbre accueille lui-même des dizaines à centaines d’autres espèces de plantes et d’invertébrés… De plus, la canopée offerte grâce à ces arbres abrite une activité biochimique très élevée. Pour vous donner une idée, l’opération “Planète revisitée” lancée à la frontière du Brésil et du Suriname n’a duré qu’un mois, mais environ 5 000 nouvelles espèces auraient été découvertes par les 50 scientifiques mobilisés. Pourtant, cette biodiversité subit des pressions diverses.
IV-1) Les pressions sur la biodiversité Guyanaise
L’exploitation forestière :
Par chance, la déforestation n’a pas touché le territoire Guyanais à hauteur du territoire brésilien, du fait de l’accès difficile et du climat. Ainsi le secteur forestier n’est pas développé en Guyane. De plus, la déforestation dans les régions tropicales se fait souvent au nom de la culture du soja mais par chance, le sol guyanais n’est pas un sol utilisable en agriculture intensive dû à sa pauvreté en éléments minéraux.
Le changement climatique :
Les zones tropicales comme les zones polaires sont plus rapidement exposées aux effets du réchauffement climatique, le réchauffement global du climat est deux fois plus intense (+2 °C en 50 ans) en Guyane par rapport à la moyenne mondiale. Le CNRS a fait un travail de comparaison de deux inventaires floristiques à 10 ans d’intervalle, les conclusions sont sans appel : un effondrement de la biodiversité végétale est nettement visible, la zone étudiée est pourtant très protégées des routes et des activités anthropiques du fait de son isolement géographique, ainsi la cause principale serait ce réchauffement rapide des forêts Guyanaises.
L’urbanisation et les infrastructures routières en Guyane
Dans les villes, en majorité sur le littoral, on retrouve des quartiers regroupant des communautés en fonction de leur origine et de leur niveau de richesse. Ces villes sont les rares endroits où l’artificialisation des sols est importante en Guyane, le reste de l’île est majoritairement recouvert de forêt ce qui ne crée pas ou peu d’interférences avec la biodiversité locale. Le réseau routier reste également modeste mais continue à s’étendre d’année en année, la grande partie de ces routes est présente sur le littoral, pour desservir les villes. Pourtant, dans une région riche en biodiversité une route peut créer un important phénomène de fragmentation de l’habitat et facilite l’accès à la chasse ou les installations d’exploitation forestières.
La chasse
En guyane, il n’y a pas besoin de permis de chasse mais il existe trois niveaux de protection pour les animaux :
- Les espèces intégralement protégées, comme le Jaguar, les perroquets, les tortues marines ou encore les ski à face pâle.
- Les espèces chassables mais non commercialisables, comme le paresseux, le caïman rouge ou encore le singe hurleur.
- Les espèces non protégées comme le pécari, le tatou, le paca ou encore l’iguane.
En revanche, dans ce domaine on peut trouver de nombreuses aberrations, par exemple le tapir ou maïpouri en Guyanais est une espèce protégée partout en France sauf en Guyane. Pourtant c’est seulement sur ce territoire français qu’on en trouve, son statut devrait prochainement évoluer pour rectifier cette aberration. Dans la continuité, la réserve naturelle de l’Amana a été créée pour protéger le plus grand site de ponte de tortues Luth au monde, pourtant, de nombreuses tortues adultes se prennent dans les filets dérivants déposés par les pêcheurs illégaux du Suriname ou de Guyana. En général, la chasse est peu réglementée en Guyane, la viande de brousse qui arrive en ville risque de porter des pathogènes. De plus, la contamination au mercure des poissons, surtout les poissons carnivores pêchés dans les rivières, est rarement contrôlée.
L’orpaillage en Guyane
L’exploitation aurifère est très connue en Guyane, pourtant ces sols abritent également une biodiversité riche et fragile qui pourrait bien déjà souffrir de cette exploitation. En effet, des centaines de milliers de clandestins exploitent le sous-sol riche en or de la Guyane, en déforestant localement le plus souvent et en utilisant des moyens peu coûteux et très toxiques pour l’environnement. On pense principalement au mercure, interdit depuis 2006 dans les exploitations d’or légales, ce métal liquide très toxique se diffuse très facilement dans l’eau de surface des forêts guyanaise. Occasionnant de réel écocide locaux dans les rivières polluées et contaminant toute une chaîne alimentaire. Les populations amérindiennes de la région se nourrissent principalement de poissons, pourtant aujourd’hui de nombreuses espèces de poissons ont bioaccumulé une forme hautement toxique du mercure. Des études montrent que la contamination au mercure engendre des problèmes graves notamment au niveau visuel pour 206 enfants sur 250 enfants de 5 à 12 ans étudiés lors de cette étude.
En décembre 2018, la France a été sommée de s’expliquer sur le projet d’exploitation aurfière “Montagne d’Or” en Guyane. La mise en œuvre de ce projet ne respectait pas les droits des peuples autochtones.
Le tourisme
Le tourisme a longtemps été peu développé en Guyane, les impacts négatifs visibles se situent sur le littoral avec la destruction de mangroves au profit des plages de sables. A l’avenir, le conseil régional (DIREN) de Guyane aimerait faire de l’éco-tourisme un enjeu fort pour l’avenir de la Guyane.
Conclusion :
Ainsi les peuples autochtones ont un rôle crucial à jouer dans la préservation du milieu naturel, de part leur culture et leurs pratiques et qui pour cela nécessite le soutien juridique et institutionnel des organisations gouvernementales et non gouvernementales. Dans le cas de la Guyane, de nombreux enjeux subsistent, notamment dans la conservation de cette mosaïque culturelle mais aussi dans la conservation de l’environnement. Le changement climatique reste l’enjeu principal de ce siècle, des dérèglements qui touchent déjà les peuples autochtones mais aussi le reste de notre civilisation. C’est pourquoi nous devons faire corps dans ce combat, les peuples autochtones nous apportent une intelligence de la nature et des savoirs ancestraux qu’ils ont réussi à conserver contrairement à de nombreux peuples occidentaux. Ces savoirs peuvent devenir des clés puissantes pour l’apport de solution à cette crise climatique, c’est pourquoi leur culture et leur mode de vie doivent être préservés et protégés.