Compte rendu Procès simulé de Wild Legal, L214 et Sauvegarde du Trégor

sauvegarge
Wild Legal
L214
La Cité Fertile

Un procès simulé sur le phénomène des marées vertes a été organisé à la cité Fertile par Wild Legal,  en collaboration avec l’association bretonne sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre et l’association L214 pour les droits des vivants en Bretagne Nord. 

De nombreux experts étaient appelés à la barre dans un procès innovant mettant la nature et les animaux au centre des débats, par exemple lors du procès il était demandé la reconnaissance de la personnalité juridique des cochons issus de l’élevage intensif et du fleuve le Gouessan, pollué par les excès d’engrais azotés des terres agricoles environnantes. Un réel recours déposé par l’association bretonne est actuellement en attente de traitement par la justice.

Cet événement pédagogique et exploratoire nous permet de découvrir les controverses et les enjeux autour de la question des droits fondamentaux des animaux et des écosystèmes aujourd’hui menacés par les activités agro-industrielles, notamment en Bretagne.

Que peut le droit dans cette affaire ?

De grandes jurisprudences peuvent à la fois faire et défaire, comme aux Etat Unis, où récemment, le juge américain a remis en question le droit à l’avortement.

droit

Giselle Aligni rappelait que les rédacteurs du premier code civil avaient écrit que la femme était la propriété de l’homme et la réduisaient à un objet d’enfantement.

La même année Christopher Stone a écrit le livre “ les arbres doivent-il pouvoir plaider” ?

Il revient sur l’esclavage, le fait de leur donner des droits afin qu’ils ne soient plus une marchandise.  Il revient également sur l’avancée du droit des femmes, qui n’avaient pas le droit de vote ni le droit de disposer de leur corps, ou encore qui n’avaient pas accès à des libertés simples comme choisir leur travail ou choisir leur avenir.

Et si les arbres demain pouvaient plaider ? Si les fleuves et les plages de Bretagne pouvaient plaider, et si les cochons d’élevage pouvaient plaider, que nous diraient-ils ?

Témoin 1 : Yves Marie le Lay, Président et cofondateur de l’association Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre 

Une étude montre l’impact des marées vertes sur la biodiversité du littoral, un écosystème atteint 365 jours par an.

L’association lutte contre ce phénomène mais aussi contre la bétonisation, au nom de la sauvegarde de la beauté de la Bretagne, que les peintres ont su si bien saisir, car lorsqu’on atteint le paysage on atteint le vivant. 

A l’inverse des pesticides qui tuent d’abord les petites bêtes mais qui tuent maintenant les grandes bêtes, eux, ont d’abord fait valoir le danger de l’hydrogène sulfuré pour les humains et les mammifères. Cependant, si c’est mortel pour nous, c’est tout le vivant qui est en danger.

C’est une histoire qui dure depuis 50 ans, il faut donc l’inscrire dans le droit.

Témoin 2 : Brigitte Gothière : L214 association de défense des autres animaux, des êtres sensibles L214 ref à l’article L2141 du code rural : êtres sensibles donc qui doivent être placés par leur propriétaire dans des conditions compatibles aux besoins biologiques de leur espèce.

Le moment expert

Expert 1  : Caroline Dubois, fondatrice du refuge grouin grouin et spécialiste du comportement animal, qui prend soin des animaux qui ont échappé à l’abattoir.

La mission du refuge : Offrir une retraite pour les animaux de fermes afin de ne pas les voir comme un bien à consommer mais comme leur individualité propre. 

Il y a 24 millions de porcs dans les abattoirs et 95% d’entre eux n’ont pas accès à la lumière et bénéficient seulement d’un sol ajouré sans litière.

Les cochons font une centaine de kilos et n’ont que 1m2 chacun pour vivre dans ces élevages.

Les cochons sont des proies, et adaptent leur comportement en fonction de la situation. La fuite est donc un moyen de survie. 

Le cochon passe 70% de son temps à explorer son environnement, et passe l’entière journée à chercher de la nourriture et à brouter. Ils creusent notamment la terre avec leur groin. 

Le premier problème des élevages est donc qu’ils sont enfermés dans un bâtiment.

Leur système hiérarchique fait que l’espace est aussi très important pour se placer hiérarchiquement. 

Ils ont également des difficultés à réguler leur système interne, et sont donc très sensibles à la chaleur. Un des seuls moyens est de se baigner dans de l’eau ou de la boue pour se rafraîchir. En élevage industriel parfois, ils doivent se rouler dans leurs excréments pour récupérer de la matière fraîche sur le corps et diminuer leur température corporelle. Sachant qu’un cochon est un animal très propre, s’ils font ça c’est que c’est une question de survie.

Odorat très développé : truffe 

Ils sont très propres, ils ne font jamais leurs besoins là où ils mangent normalement.

Ils sont dotés d’une très grande intelligence, d’un sens de l’empathie très développé comme tout animal de  proie qui vit en groupe. 

Ils sont sensibles et peuvent répondre à leur nom ou encore détecter une émotion.

Experte 2 : Anne Vonèche, spécialiste de la question auprès de France Nature Environnement, fait évoluer la condition animale par le droit. Elle nous décrit les aspects techniques des installations d’élevage.

L’autorisation des installations d’élevage : 

Révision de la directive IED sur les élevages industriels, une directive insoutenable. La réduction des cheptels est inévitable, pas de durabilité sans éthique. 

Expert 3 : Jean Yves Piriou retraité de l’IFREMER qui a travaillé sur les marées vertes pendant 10 ans 

Ulva Armoricana, plus connue sous le nom “algue verte”, a besoin de nitrate et est conditionnée chaque année par l’apport de nitrate dans des lieux favorables

→ Un piégeage aérodynamique et une arrivée de nitrates par une rivière dans la zone créent un bloom, c’est-à-dire que l’algue se développe (inflorescence) 

Les algues vertes ont besoin d’azote qui est l’élément limitant, mais si le nitrate est présent en trop grande quantité, elles vont se développer en excès et dégager une toxicité.

Expert 4 : Pierre Philippe : Médecin urgentiste à Lannion est un des premier lanceurs d’alerte à avoir diagnostiqué ce phénomène de marée verte (Vers  1h22.)

Le phénomène a commencé par des nuisances olfactives. 

En 1989 lors d’une garde aux urgences, on lui a amené le corps d’un joggeur de 26 ans, dans un amas d’algues vertes de 3 mètres d’épaisseur. Il n’a jamais reçu les résultats de l’autopsie. 

10 ans plus tard, en 1999, un ouvrier ramassant les algues vertes a fait au volant de son camion un état convulsif avec une perte de connaissance. 

Pourtant, à la suite de son hospitalisation de longue durée, on n’a pas su trouver la cause. Pierre Philippe fait le lien avec le joggeur d’il y a 10 ans, car c’était au même endroit sur la plage.

Il a alerté les autorités mais n’a pas été pris au sérieux car il n’y avait jamais eu de cas décrits. 

En 2009, un accident a encore eu lieu sur la même plage. Un cavalier et son cheval s’enfoncent dans un amas d’algues en putréfaction jusqu’au garrot. Le cavalier a essayé de s’extirper mais son cheval est mort en moins d’une minute et le cavalier a fait un état de mal convulsif encore une fois.

Il a dit qu’il fallait à tout prix faire une autopsie de son cheval pour prouver que les algues vertes sont responsables. Le cavalier a accepté et l’autopsie a révélé un oedème pulmonaire avec des taux d’hydrogène sulfuré très élevés. Un cheval sans aucun problème de santé, mort aussi rapidement : c’est là que l’affaire a éclaté. 

Il y a donc eu le décès d’un cheval en 2009, en 2008 deux chiens meurent simultanément. 

En 2011, 36 sangliers, 2 ragondins et 1 blaireau sont morts dans la même zone. Il y a eu des problèmes avec des autopsies mal faites mais, à chaque fois, des oedèmes pulmonaires sans malformation sous-jacente étaient présents.

En 2016, un Joggeur de 50 ans en parfaite santé est retrouvé mort lors de son jogging matinal.

Pourquoi ces accidents arrivent-ils ? Les algues vertes, quand elles s’échouent sur les plages, putréfient en milieu anaérobie ce qui produit de l’hydrogène sulfuré, un gaz très mortel quand on le respire.  Ce gaz atteint la respiration cellulaire. Les symptômes sont des maux de tête , un coma, des convulsions, ou encore un oedème pulmonaire. A savoir que plus la concentration augmente moins le délai d’exposition peut être toléré par un organisme. Les mesures se font en parties par million et on sait que 1000 parties par million engendre la mort en moins d’une minute. A saint Michel en grève, après les accidents, des mesures ont été effectuées au-dessus des amas d’algues vertes, les détecteurs saturent au-dessus de 1000 partie par million et ne peuvent pas donner de taux supérieurs, ainsi les doses présentes sur cette plage sont extrêmement létales. 

Depuis 2009, on sait que les algues vertes ont engendré des accidents et des décès.

Début du procès

Arguments des requérants :

En 2019, pendant des mois, des riverains ont subi l’intoxication des algues vertes, et des élus ont dû fermer des plages. Le lien entre les importants effluents des produits nitratés et la croissance démesurée des algues faisait débat et aucune mesure n’a été adoptée pour limiter l’apparition des marées vertes. 

En 1998 un décret place la baie de St Brieuc en réserve naturelle, et en 2021 un rapport sénatorial à fait état de ce débat et le centre d’étude SEVA montre que 85% des nitrates dans l’eau de surface proviennent de surfaces agricoles. 

Il y a eu une insuffisance de mesures curatives mises en place.

L’élevage intensif porcin contribue pour une grande part à la pollution des eaux et de l’écosystème breton dans son ensemble. Au vue de l’urgence de la situation et des préjudices écologiques les requérants n’ont pas d’autre choix que de saisir l’affaire.

Quel est le préjudice pour les cochons ? Pour connaître leur souffrance, voir le Rapport de L214

Charte de l’environnement : tout animal à le droit au respect de ses libertés fondamentales

  • droit de ne pas souffrir
  • de vivre dans un milieu respectueux de vivre dans ses exigences biologiques
  • Ils ont le droit de vivre dans le bien-être

Ici, ces cochons subissent des préjudices moraux et physiques. Or, l’article 1240 du code civil évoque que tout fait de l’homme qui cause à autrui un dommage doit le réparer.  Les animaux peuvent-ils être considérés comme autrui ? 

Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité, donc ce mot devrait être suffisant pour être considéré comme Autrui.

La jurisprudence Erika, où Autrui a été attribuée par les juges à l’environnement pour caractériser un préjudice écologique à la lumière de l’article 1240. Aujourd’hui, les juges vont donc considérer les cochons comme autrui.

On s’attaque aujourd’hui à deux exploitations ayant des effectifs annuels de 26 000 porcs et 13 000 porcs chacun. Ces exploitations ont les cheptels les plus élevés de la région. 

La coopérative concerne 2500 agriculteurs adhérents et leur impose ce qu’il faut produire, vendre et acheter. 

Aujourd’hui cette coopérative est le 1er fournisseur de viande de porc dans la grande distribution française et représente 5, 6 millions de porcs élevés par an. Or, l’agriculture bretonne représente 7,4 millions de porcs. 

La coopérative à elle seule représente 70% du porc d’élevage breton ! Donc ces exploitations et cette coopérative ne sont pas choisies par hasard.  

Pourtant la coopérative a une charte environnement, mais est inefficace, ce qui représente une faute.

Fleuve intoxiqué du Gouessan :

Les deux exploitations ont augmenté leurs cheptels en 2019, correspondant ainsi à 37,5 porcs par hectare contre une moyenne départementale de 21 porcs par hectare. La même année, la baie de Saint Brieuc enregistre un record d’algues vertes. 

Cette coopérative fournit les agriculteurs en intrants qui finissent dans le Gouessan. Le centre d’études de valorisation des algues à établi que 95 à 98% des nitrates présents dans l’eau est d’origine agricole, le lien de causalité est donc certain. 

Il faut reconnaître une personnalité juridique au fleuve car c’est une entité naturelle. 

A travers le monde, la Colombie comme l’Inde ont pu reconnaître l’existence des droits des cours d’eau. En Europe le juge espagnol s’est prononcé en faveur de la reconnaissance juridique de La Mare Del Menol qui là aussi était victime d’une pollution agricole. 

 Les seuils réglementaires sont respectés par les exploitations mais n’ont plus de sens car ils ont été imposés en 1991, il y a plus de 30 ans. 

Autre confrère :

Selon les thèses de Emilie le Luerne ou  Nolwenn Kilien sur les écosystèmes aquatiques ou encore un rapport du CNRS sur les mécanismes et les conséquences de l’eutrophisation, il est montré que la prolifération des algues vertes entraîne une dégradation de la qualité de l’eau ce qui dérègle l’écosystème halieutique et les organismes vivants. Les conséquences sont le décès massif d’espèces dominantes et clés, la disparition des ressources des espèces piscicoles, et c’est maintenant toute la chaîne alimentaire qui voit ses maillons pulvérisés en moins d’un siècle. 

Puisque comme le démontre le rapport de l’association Eaux et Rivières de Bretagne, la pollution continue de l’eau du fleuve depuis l’installation de l’activité industrielle porcine a entraîné une raréfaction des ressources nourricières présentes en son sein et nécessaires au maintien du fragile équilibre de son écosystème.

C’est une cause irréfutable de la modification de la qualité de l’eau du Gouessan. De plus, on observe une faible présence de vie sur les plages, avec seulement 5 vers de mer de type gravette, contre 500/m2 en 201, ce qui démontre la disparition progressive de l’écosystème du Gouessan.

Argument de la défense :

Ils demandent au juge de débouter la demande de considérer la personnalité juridique des porcs et du fleuve. De plus, ils avancent comme argument qu’il y a prescription.

Il n’est pas possible de déterminer une causalité directe entre les élevages et les zones de marées vertes. Le développement des marées vertes serait issu d’un ensemble de facteurs, comme les stations d’épuration présentes en ville, la morphologie particulière du littoral breton ou encore un ensemble de facteurs climatiques. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on observe des variations dans la quantité d’algues vertes en fonction des années et des mois (graphique). On peut observer que, par exemple, en 2017 on observait un pic de développement des marées vertes entre avril et juin, tandis qu’en 2020 ce pic était observable en juillet, nullement corrélé à une surproduction agricole de la part de mes clients. Ils ne produisaient pas plus en avril 2017 ou en juillet 2020. Il n’y a donc pas d’imputabilité entre l’activité agricole de ses clients et le développement des marées vertes qu’ils dénoncent.

Ils n’ont jamais pu démontrer le moindre lien de causalité entre l’activité agricole spécifique de mes clients et le développement des marées vertes sur les plages qu’ils citent. Ainsi il y a 5300 exploitations bretonnes, sur cette carte vous pouvez observer l’ensemble des exploitations porcines de la région.

En jaune, mes clients. Les requérants n’ont jamais démontré que le nitrate retrouvé à Hillion était issu de l’une des exploitations de mes clients plutôt qu’une exploitation située non loin. 

Plus encore, en 2018 la Grèce recensait 7,6 millions de porcs produits dans l’année. Si on compare aux chiffres de mes clients, le premier est alors responsable de seulement 0,34% des porcs produits chaque année et le second de 0, 17%. Vous voyez donc bien que ces associations militantes cherchent à faire de mes clients des boucs émissaires. Ils expliquent aussi qu’ils ont manqué au devoir de vigilance qui leur incombe, mais la loi est claire: l’article L225-102-4 du code du commerce explique que le devoir de vigilance n’est tenu qu’aux entreprises qui emploient plus de 5000 salariés. Or, pour ce qui est des deux exploitants que je défends, ces derniers emploient chacun moins de 10 salariés et ne sont pas tenus au devoir de vigilance. 

Le moyen des requérants est donc irrecevable, pour la coopérative elle est tenue au devoir de vigilance car elle compte plus de 5000 salariés, mais elle s’y tient, et elle a instauré un plan de vigilance qui prévoit des mesures pour prévenir les atteintes à la santé, les personnes et l’environnement. 

Si je résume les requérants demandent à ce que certains agriculteurs pris au hasard divisent leur production de plus de ⅔ tandis que d’autres continueront de produire dans les mêmes conditions, mais comment voulez vous qu’ils restent compétitifs ? Je reformule, comment voulez-vous qu’ils continuent de vivre de leur métier face à une telle distorsion de la concurrence ?

L’objectif des militants ici est de faire un procès politique et non pas juridique. S’ils voulaient vraiment faire quelque chose, ils iraient devant le juge administratif ou encore devant le parlement français ou européen. 

3 heure 17 minutes : Avis des assesseurs et de la présidente sur le procès simulé, beaucoup parlent de principe mais peu de preuves, développement abstrait.

Conclusion :

Ce procès est un exercice qui pourra permettre, à force de pratique et de perfectionnement, de faire avancer le droit en matière d’environnement et de reconnaissance de la souffrance animale et des injustices qu’ils subissent.

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