Pollution à l’échangeur autoroutier de Bagnolet : Nouveaux relevés

L’échangeur autoroutier de Bagnolet :
Enquête sur l'échangeur le plus pollué d’Ile-de-France

L’échangeur autoroutier de Bagnolet, situé à proximité de la ville de Bagnolet et du 20ème arrondissement de Paris, est l’échangeur le plus pollué d’Ile-de-France. Il impacte plus de 70 000 habitants, tant par la pollution de l’air qu’il génère que par la pollution visuelle et sonore que subissent les habitants de ces quartiers populaires. Depuis plusieurs mois, PachaGaïa mène un travail d’enquête afin de mettre en lumière les impacts sociaux, sanitaires et écologiques générés par cet échangeur.

L'inauguration

Ce projet de grand complexe autoroutier a vu le jour en 1962, à l’initiative du Conseil général de la Seine. Les travaux débutent en mai 1966 et s’achèvent au début de l’année 1969. Cette infrastructure nommée « complexe d’échanges de la Porte de Bagnolet » est inaugurée le 1er décembre 1969. L’échangeur, composé de 19 ponts et viaducs, fait 2 300 mètres avec une surface de « tablier » de 19 000 m2. On estime qu’environ 300 000 véhicules empruntent chaque jour l’échangeur. Un chiffre terrifiant lorsque l’on sait que le trafic routier est le principal émetteur de CO2 (gaz à effet de serre) et la principale source de pollution urbaine.
Photo prise lors de la construction de l'échangeur autoroutier à la porte de Bagnolet en 1966

Un niveau de pollution de l’air deux à trois fois supérieure à la moyenne parisienne

En 2005 une étude a été réalisée par AirParif, l’organisme de surveillance de la qualité de l’air à Paris, afin de connaître l’impact d’un grand échangeur autoroutier urbain sur l’environnement. Intitulée « Caractérisation de la qualité de l’air au voisinage d’un échangeur routier urbain : l’échangeur entre le boulevard Périphérique et l’autoroute A3 au niveau de la porte de Bagnolet » l’étude révèle que l’impact de l’échangeur de Bagnolet rayonne jusqu’à 400 mètres autour du centre de l’échangeur et que le niveau de pollution de l’air enregistré y est deux, voire trois fois supérieur à la moyenne parisienne.

Graphique illustrant le diagnostique de la qualité de l'air à Bagnolet en 2017

Une dégradation de l’environnement de vie des habitants

Outre la pollution de l’air, les personnes habitant à proximité de l’échangeur subissent également une pollution visuelle et sonore. Lors du diagnostic de bruit mené en juin 2018, par BruitParif, il a été conclu que l’échangeur A3 à la porte de Bagnolet constituait l’un des « enjeux les plus prioritaires ».
Aux différents types de pollution précités, s’ajoute également la pollution des sols en raison de la forte bétonisation et de la circulation routière quotidienne. D’une part, la bétonisation qui a pour conséquence l’imperméabilisation des sols et sous-sols, fait appel à des procédés chimiques qui polluent les terres alentour. D’autre part, l’impact sur l’environnement est amplifié par la circulation des véhicules qui empruntent ses routes bétonnées, notamment avec les dépôts d’hydrocarbures et les émissions de particules fines émises par les véhicules. Ces polluants se retrouvent dans les terres par ruissellement : lorsqu’il pleut, l’eau s’échappe des routes vers les terres à proximité.
Au-delà de l’impact sur les sols, ce réseau routier provoque également une fragmentation des écosystèmes puisque les liaisons routières principales divisent par 2,5 la taille moyenne des zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique et empêchent ainsi la circulation de la faune et parfois la dispersion de la flore. Ce phénomène appelé « rupture de la continuité écologique » est connu pour ses conséquences négatives sur la biodiversité.

Un impact direct sur la santé humaine

Ces pollutions, tant atmosphérique que sonore, observées à proximité de l’échangeur de Bagnolet ont des impacts directs sur la santé. En effet, si globalement les effets de la pollution acoustique sur la santé humaine restent encore mal connus, les données scientifiques existantes démontrent que cette forme de pollution entraîne des répercussions néfastes sur l’Homme.
Selon l’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE) :
« l’exposition à long terme au bruit dans l’environnement provoque 12 000 décès prématurés et contribue à l’apparition de 48 000 nouveaux cas de maladies cardiaques ischémiques chaque année en Europe ». Selon le Conseil national du bruit (CNB), le bruit entraîne également des répercussions sur le sommeil, sur les systèmes endocrinien, cardiovasculaire et immunitaire. L’exposition à un environnement trop bruyant peut entraîner des troubles cognitifs (notamment chez les enfants) et avoir des effets psychologiques. Mais la pollution sonore n’est pas la seule à impacter négativement la santé des personnes habitant à proximité de l’échangeur.

Selon l’Agence nationale de santé publique française, l’exposition quotidienne et dans la durée à la pollution serait le phénomène qui « a l’impact le plus important sur la santé ». Les autorités sanitaires estiment que 48 000 décès prématurés par an sont directement imputables à la pollution atmosphérique, ce qui correspond à 9 % de la mortalité en France.
Une réalité d’autant plus forte dans les grandes villes où les citadins voient leur espérance de vie diminuer de 15 mois en raison des risques liés aux maladies cardio-vasculaires et respiratoires amplifiées par la pollution atmosphérique (contre une diminution de 9 mois pour un habitant de zone rurale). AirParif va même plus loin et précise qu’après 30 ans vécus sur un lieu pollué, les habitants subissent une perte d’espérance de vie pouvant dépasser les 2 ans.
Le dioxyde d’azote (NO2) et les particules fines (PM10 et PM2.5) sont particulièrement responsables des impacts respiratoires et cardio-vasculaires. L’OMS rapporte ainsi que les asthmatiques sont plus sujets aux crises lorsqu’ils sont régulièrement exposés à la pollution atmosphérique et on estime que vivre à proximité d’un axe routier augmente de 16 % les cas d’asthme chez l’enfant.
Ces conséquences sur la santé inquiètent, à juste titre, les personnes résidant à proximité de l’échangeur, comme en témoigne Amélie, 41 ans, habitante de Bagnolet : « une alternance canicule/ sécheresse / inondation, des alertes aux pics d’ozone de plus en plus fréquentes et quasi permanentes l’été… Tous les jours nous subissons ces nouvelles qui nous font vivre dans l’angoisse du futur et celui de nos enfants. Ce n’est que le début, nous le savons et c’est maintenant que nous pouvons agir ».

Faire valoir le droit des habitants de Bagnolet à un environnement sain

Concernant la qualité de l’air, un contentieux français a vu le jour récemment. L’Etat français a été condamné pour le non-respect des seuils de pollution tolérés (le gouvernement n’a pas mis en œuvre toutes les mesures adéquates pour endiguer la pollution de l’air). Concernant, les nuisances sonores, il est extrêmement difficile aujourd’hui d’agir en justice en raison du bruit provenant du trafic routier. 

En parallèle, une nouvelle notion a fait son apparition dans la sphère publique ; il s’agit du droit à un environnement sain. A ce jour, ce concept n’a pas de valeur juridique mais l’ONU, en 2021, a précisé que « le droit de bénéficier d’un environnement propre, sain et durable est un élément important de la jouissance des droits de l’Homme. » Historiquement, ce droit à un environnement sain a été notamment évoqué dans la Déclaration de Stockholm de 1972, disposant que : « L’Homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permettra de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures. » En outre, la Charte de l’environnement française, adoptée en 2004, indique que : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. »

C’est pourquoi PachaGaïa se fixe pour ambition de faire valoir le droit à un environnement sain pour les habitants proches de l’échangeur de Bagnolet constamment exposés aux pollutions atmosphérique et sonore. Pour faire valoir ce droit, il conviendra dans un premier temps de démontrer le niveau de pollution de l’air généré par l’échangeur.
Si des données existent, ces dernières datent de 2017. Aucune donnée plus récente n’est disponible à ce jour. PachaGaïa va donc prochainement s’équiper d’une station de mesures mobile de la pollution atmosphérique afin de procéder à des relevés de la qualité de l’air à différents endroits à proximité de l’échangeur. Cette capacité à surveiller la qualité de l’air et à connaître les émissions de polluants se révèle un enjeu essentiel pour informer et alerter les décideurs et demander la mise en place de solutions permettant de réduire la pollution atmosphérique autour de l’échangeur. 

PachaGaïa poursuivra donc son travail d’enquête, d’information et d’interpellation porté par trois convictions fortes :  le droit d’évoluer dans un environnement sain ne doit pas rester une chimère ! Fermer les yeux sur les zones les plus touchées ne doit pas rester dans l’impunité ! L’inaction climatique tue et elle doit être combattue !

Rédaction: Marion Poncet, Marianne Gac, Christelle Peria, Jeanne Dileseigres 
Mise en Page: Marion Delnondedieu, Pauline Ferré
Relecture: Christelle Peria

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